Misère 

 

 

Le regard absent, je marche là, indifférente,


dans la foule pressée qui m’entoure, ignorante


aux ricochets de ma vie qui jamais ne finissent.


Moi, pétillante, avant le tréfonds, le précipice.




 

Où es-tu maintenant mon amour, mon chéri ?


Moi, qui ai tellement besoin de toi aujourd’hui,


Pourquoi m’as-tu abandonnée pour l’éternité,


à mon seul trésor, l’enfant que tu m’as donné ?





Non, tu n’avais pas le droit de partir comme çà,


sans prévenir, sans revenir d’aussi loin d’ici.


Je sais, on n’y peux rien, tu ne reviendras pas,


même tes amis ne donnent plus signe de vie.





Le destin s’acharne, j’ai aussi perdu mon emploi.


Aide-moi d’où tu es, je n’ai plus d’endroit où aller.


J’ai tout perdu sans penser un jour en arriver là,


je t’en supplie donne-moi le courage de demander…




 

Je parcoure trottoirs et escaliers que je gravis ;


des pavés aussi lisses que les parois de ma vie,


qui défilent dans mes yeux vaguement maquillés,


brillants et fatigués de mes larmes trop salées.




 

Au fil de mes pas maladroits, pourtant j’avance,


au bout de mon seul espoir, ma dernière chance.


J’entrevois l’entrée éclairée, j’ai la gorge nouée,


J’écrase la main de mon petit garçon, si serrée.




 

Nous voilà face à l’entrée de ce modeste foyer,


« Les urgences des mères et enfants isolés »,


Une dame nous sourit et de suite elle comprend,


que je ne peux faire mentir, mes yeux larmoyants.




 

Très douce et rassurante avec toute son empathie,


sa main juste se tend pour laisser un peu de dignité,


à ma voix si fébrile, d’avoir le courage de demander,


un hébergement d’une nuit ou peut-être deux si…  




 

On me donne un coin séparé, deux lits superposés,


un repas unique qui sera servi en fin de soirée.


Mon petit homme me regarde comme pour deviner


si une lueur peut briller dans mon cœur dévasté.




 

Notre vie d’avant n’avait rien d’un conte de fées ;


une existence ordinaire, une forteresse d’amour,


que l’on croyait imprenable mais qui s’est écroulée,


un jour brutal, un jour fatal, un jour pour toujours.


 

                        Gilles TRISTAN

 


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