L’impensable


 

La grande chambre au plafond si haut,


glisse dans l’ombre des larges rideaux,


figés et cruels comme deux gardiens,


d’un secret sans âme et sans témoin.




 

Fruit tourmenté d’un jardin sans ciel,


sans fleur, ni saveur, ni parfum de miel,


elle esquisse avec son crayon de bois,


des chimères, un soleil et un roi.




 

Comme une enfant bien trop sage,


qui noircit les rêves de son âge,


peut-elle encore garder en sursis,


le lourd secret du silence promis.




 

Ses ébauches trahissent ses rêves


et ses rêves jamais ne s’achèvent.


Oui, les chimères existent vraiment,


autre part que dans les livres d’enfants.




 

Le soleil de son dessin est si noir,


que de ce roi elle ne peut croire,


à la passion d'un amour paternel,


travesti en désir si obsessionnel.




 

Lorsque son pas léger et familier,


se fait plus lent, plus lourd, plus effacé,


les longs rideaux se referment déjà,


car la fin du jour attend le sabbat.




 

Et lorsque l’ombre s’en vient du couloir,


avec le cœur mauvais drapé de noir,


sa honte coupable jusqu’aux larmes,


démunit son corps de toutes armes.





Il la dévisage, la fixe de ses yeux,


à la fois rassurants mais désireux.


Il voit en elle, un miroir sans tain,


la jeune pucelle devenue sa putain.




 

La houle emporte son corps mort,


comme le vent balaie les remords.


Hier, blottie sur ses larges épaules,


aujourd'hui sur sa peau, il se frôle.




 

Mais toute l’étendue de l’océan,


ne peut effacer les liens du sang.


Il blesse sa chair de son empreinte,


sans âme, sans larme, et sans crainte.




 

Les regards se croisent, se trahissent,


les corps se refoulent, se déplissent,


Son cœur dévasté endure l’agonie,


de se livrer nu à cette tyrannie.





Tragédie que penser l’impensable,


ce cri sombre de l’âme, inavouable.


Existence gâchée et naufragée,


sans pardon, ni guérison d’aimer.




 

Le supplice de ses turpitudes,


l’emprisonne de sa servitude,


la désarme de tout son être,


de sa raison qui ne peut plus être.




 

Coupable naïve de son obéissance,


jusqu’aux souffrances de l’indécence,


elle se meure entravée aux chaînes,


d’une prison aux pudeurs malsaines.




 

Et l’existence devient silence,


une enfance sans importance.


Une romance sans révérence,


sans espérance, ni sentence.





Elle se souvient un jour d’un rêve,


où son histoire ainsi s’achève.


Un prince, ou peut-être un ange


lui sourit par un regard étrange...


 

                            

                                      Gilles Tristan

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