Chienne de vie

 

 

Faut que je sorte ce chien un peu idiot,


ce pauvre clébard qui n'y est pour rien,


à tous les malheurs de ma vie de vaurien.


Arrête d'attendre là, assis comme un sot !



 

Et oui ! J'suis crevé mon pauvre vieux !


Qu'est ce qui m'empêche d'aller au pieu,


si ce n'est la tendresse dans tes yeux.


Allez viens ! on va pisser non de Dieu !




Bouge-toi un peu ! allez bordel !


Viens ! on va vider les poubelles.


Si tu savais comme elle était belle,


celle qui avant te sortait avec elle...


 



Paraît qu'c'est une histoire d'éthanol,


c'est vrai ! C'est le toubib qui m'l'a dit


en parlant d'mes problèmes d'alcool...


Tu t'en fous hein, de c'que je dis ?




 

Allez viens mon vieux, t'en fais pas,


j'te laisserai pas finir comme moi,


quand elle est partie en chialant,


qu'elle m'a planté là, sur un banc.




 

Aller putain ! ça r'commence à tanguer,


la route n'est plus droite, allez viens !


Avant que tout ne commence à tourner,


aux étoiles, comme la valse des marins.

 




Et puis, me regarde pas comme çà !


Fais pas chier avec tes yeux minés,


tu vas finir par me faire chialer


à moi aussi, allez arrête de faire çà !




 

Mais tu ne comprends pas quoi ?


Que c'est ma vie qui s'est barrée ?


Tu piges ! C'est pas ta faute à toi,


que j'picole jusqu'à être bourré.




 

Ô ! près de ma bonde euhhh !


J'crois que j'ai oublié les paroles,


comme tout le reste ça s'envole,


tout est fichu dans ce foutu monde !




 

Ça n'a plus de sens, je suis barjo,


même toi, tu me trouves idiot.


C'est le juste retour des choses


et puis ça sent plus trop la rose.




T'as pas de chance mon vieux,


c'est moi qui devient galeux,


dans ce taudis froid et miteux,


je suis maudis et si haineux.





Arrête de geindre et de pleurer,


de lécher le creux de mes mains !


Arrête de m'aimer à en crever,


je suis vraiment pas un mec bien !




 

Arrête de me suivre sous la pluie,


la queue basse et la gueule cassée.


Arrête d'être mon ombre en sursis,


ni le gardien de mes nuits. Par pitié !




 

Me regarde pas dégueuler comme çà,


avec les pattes en avant comme toi.


Je suis à terre, encore un peu plus bas,


dans les larmes et la bile de mon foie.




 

J'ai plus rien à donner et à répandre,


même plus mes lacets pour me pendre.


Reste la corde qui t'attache, à me rendre !


voudrais-tu bien encore me la vendre ?




 

Allez viens mon vieux ! viens mon pote !


Encore une fois, c'est toi qui me porte,


affalé comme une vermine de cloporte,


rien ne fera qu'un jour je m'en sorte.




 

Allez viens… On va chialer tous les deux,


j'vais vomir sur leurs trottoirs pluvieux,


dans leurs bouches, dégoût dans leurs yeux,


dans le fiel de leurs regards disgracieux.

 




Si un jour peut-être ai-je été ton maître,


ce soir, dessaoulé, j'te rends ta liberté.


Allez, pars te dis-je ! Saute la fenêtre,


détale à perdre haleine, sans te retourner.





Galope et gagne ta rage contre le vent,


ce temps perdu sans savoir ni comment.


Vas et n'entends pas mes appels éplorés,


fous le camp sans regret vers un autre foyer.




 

Vers les caresses de ces enfants joyeux,


qui t'embrasseront de leur bouche sucrée.


Tu les aimeras aussi, impatient à leurs jeux,


comme je t'ai tant aimé, toutes ces années.




 

Pardonne toutes mes frasques, mes arrogances,


d'avoir cru aux espoirs qui n'ont pas eu de chance.


Je sais que tes yeux n'oublieront jamais les adieux,


de ma main qui doucement, lissait ton pelage soyeux.

 

                                                            Gilles TRISTAN

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