Notre bohème

 

Je sais qui tu étais et tout ce que tu as fait pour moi,

 

mais les blessures de ton cœur papa ; je ne les sais pas.

 

Je me souviens de nos pique-niques joyeux le dimanche,

 

dans les hautes herbes, sur une nappe bien blanche.

 

 

 

 

Ces instants de bonheur masquaient les apparences,

  

d'une vie trop douloureuse pour de jeunes parents.

 

Ces agapes étaient nos vacances, sans l'être vraiment,

 

des souvenirs heureux sur le chemin de nos errances.

 

 

 

 

Quand ta gaieté naissait, ton air moqueur et malicieux

  

animait sans cesse nos joyeuses petites frimousses.

  

Quand parfois, le sort cruel s’acharnait à nos trousses,

  

nos cœurs innocents ignoraient la colère de tes yeux.

 

  

 

 

Notre enfance passa de petits rires en petits riens,

 

où dans nos batailles perdent toujours les indiens.

 

Nos visages grimés et harassés de profonds soupirs,

 

venaient toujours contre notre maman se blottir.

 

 

 

 

Vint le temps de Noël, des lumières et de l'abondance.

  

Moment magique pour les enfants en quête d'espérance,

  

instant tragique de parents en peine de subsistances.

 

Mais par émotion, l’âme balaie d’un revers les carences.

 

 

 

 

Vous fîtes pour nous de ce Noël, le plus merveilleux,

 

en ouvrant nos cadeaux au pied du sapin, tous les deux.

 

Le petit couffin de satin blanc, imprimé de pois bleus,

  

fit rayonner les yeux de ma petit sœur, si malicieux.

 

 

 

 

Vous l’aviez longtemps imaginé ce cageot de ficelle,

 

le drapant patiemment pour le coudre aux chandelles,

 

d’une aiguille bienveillante ne blessant aucun cœur.

 

Même les belles boutiques de la rue en auraient pâli.

  

 

 

Sur mon vélo neuf, poursuivant toujours les indiens,

 

je n’aurais pas imaginé un instant que mes parents,

 

se seraient si endettés pour l’acheter au détriment,

 

des nécessités tellement chères à notre quotidien.

 

 

 

 

Notre tendre enfance fut modeste mais précieuse,

 

et le poids des années n’enlève rien à mon émoi.

 

J’aime le soir m’endormir en oubliant ma veilleuse,

 

rejoindre le passé pour revivre un peu de chez moi.

 

 

 

Gilles TRISTAN